Le
samedi 6 mars sur France 3 et dans les salles à partir du 7 avril,
un film de Solveig Anspach avec Sylvie Testud va rendre homage à
Louise Michel la rebelle.
La
réalisatrice Solveig Anspach (Haut les Cœurs !, Made in the
USA, Stormy Weather, Back Soon) avoue qu’elle ne connaissait
pratiquement rien de Louise Michel, de la Commune de Paris ou de la
Nouvelle-Calédonie quand le producteur Jacques Kirsner lui a proposé
de faire ce film. ''Le peu de choses que je savais sur la Commune,
c’est mon père qui me l’avait appris quand j’étais enfant,
comme il m’avait aussi raconté l’histoire de Rosa Luxembourg.''
Subtilement,
elle a su mettre en valeur les multiples talents de Louise Michel
(1830-1905), cette formidable combattante anarchiste, féministe,
antiraciste et anticolonialiste qui était par ailleurs institutrice,
botaniste, ethnologue, poétesse, infirmière… ''Ce qui est
passionnant avec Louise Michel, c’est que cette femme est
totalement moderne, à l’écoute du Monde qui l’entourait, des
gens et de la Nature. Ce que nous avons essayé de faire avec
Sylvie, c’est de révéler la part de Louise Michel qui peut
raisonner en nous, faire qu’on pourra s’identifier à elle, et
donc se sentir à sa place ? ''
Les
premières secondes du film nous ramènent au procès de Louise pour
son ardente participation à la Commune de Paris (18 mars – 28 mai
1871). Malgré les massacres de la Semaine Sanglante qui avaient
réprimé la révolte du peuple, les bouchers versaillais n’étaient
pas rassasiés et souhaitaient en finir avec les instigateurs de la
Commune. Les survivants risquaient gros. Louise fut condamnée à la
déportation en Nouvelle-Calédonie.
Après
un long périple sur le Virginie, la déportée Louise Michel arriva
sur la presqu’île de Ducos en 1873. En métropole, c’était la
débandade. Gustave Flaubert, Théophile Gauthier, Georges Sand et
consorts crachaient sur la Commune. Le décor calédonien est
paradisiaque, mais pas pour tout le monde. Brutalités, exécutions,
privations de nourriture, censure… rythmaient les semaines des
déporté-e-s. Habillée en noir, ''parce que je porte le deuil de
la Commune'', Louise Michel soignait les hommes, les animaux…
et les plantes. Elle affrontait militaires et curés, « l’homme
ne sera jamais libre tant qu’il n’aura pas chassé Dieu de sa
raison ». Les déportés politiques qui prêtaient main forte à
l’armée pour mater la révolte des Kanaks la remplissaient aussi
d’horreur et de dégoût, ''parfois je désespère de l’être
humain ''.
Amie
et solidaire des Kanaks, Louise apprit leur langue et leurs coutumes.
Elle alla jusqu’à publier des légendes kanakes. Son rêve,
inaccompli, était d’ouvrir une classe mêlant enfants européens
et mélanésiens. Les mentalités n’étaient pas prêtes. À la fin
de son séjour forcé, consacrant sa semaine aux écoliers blancs de
Nouméa, la « dame aux chats » réserva donc ses dimanches
aux « nuées » de jeunes kanaks. Elle se lia également avec
les révoltés kabyles déportés. De son exil, Louise écrivait
beaucoup. À Victor Hugo avec qui elle correspondait depuis sa
jeunesse. À Georges Clémenceau qui milita pour l’amnistie des
Communards... avant de devenir ministre de l’Intérieur. Plus tard,
le furieux Tigre réprimera dans le sang la révolte des
vignerons en 1907 et les grévistes de Draveil en 1908. Le film nous
la montre écrivant aussi au président de la République pour
l’insulter tous les 28 du mois en mémoire de son compagnon
Théophile Ferré qui fut exécuté le 28 novembre 1871.
Après
l’amnistie générale de juillet 1880, la colère de Louise Michel
ne se calma pas. Entre congrès et meetings anarchistes européens,
manifestations de chômeurs et séjours en prison, éditions de
livres et rédaction d’articles, sa vie fut tumultueuse. Elle
mourut à Marseille le 5 décembre 1905 au retour d’une série de
conférences en Algérie. Promesse faite aux insurgés kabyles
rencontrés en Nouvelle-Calédonie. Cent vingt mille personnes
bouleversées suivirent son enterrement. Révolutionnaire et
romantique, l’Insoumise assurait que ''la révolution sera la
floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du
cœur''.
Solveig
Anspach commente ''J’ai l’impression que la Commune et Louise
Michel résonnent très fort aujourd’hui. Elle dit des
choses qui font écho à ce que vivent aujourd’hui les gens au
quotidien, pas seulement les femmes, mais les gens dans la misère,
les ouvriers, les travailleurs ou les sans-papiers.'' Tournée en
Nouvelle-Calédonie (un choix symbolique très fort) avec des acteurs
Kanaks dans le rôle de leurs ancêtres, le film de Solveig Anspach
est une fiction intelligente portée par l'interprétation de Sylvie
Testud.
En
2010, les aspirations égalitaires de la militante qui n’était ni
vierge ni rouge résonnent encore dans ce monde hanté par des
pouvoirs médiocres et criminels. ''Le pouvoir est maudit et c’est
pour cela que je suis anarchiste'', résumait Louise Michel.
CQFD.
Louise
Michel la Rebelle,
un
film de Solveig Anspach avec Sylvie Testud, Nathalie Boutefeu,
Bernard Blancan, Alexandre Steiger, Augustin Watreng, Éric
Sauvion-Caruso… d’après un scénario original de Jacques Kirsner
et Michel Ragon. Durée 1h30.